Eloge de la délicatesse



Trop souvent perçue comme une forme de faiblesse et de fragilité dans nos sociétés ou tout va très vite et ou la brutalité est souvent désignée comme synonyme de force au même titre que la gentillesse, la delicatesse aurait pour autant tout intérêt à être davantage cultivée et réhabilité. En effet, la définition que nous en donne le dictionnaire latin est la suivante : La délicatesse vient du latin médiéval « délicatus » qui signifie : délicat, raffiné et tendre. Ce terme dérive lui-même du latin classique « delicae » qui signifie : plaisirs, délices qui procure une sensation agréable ou raffinée. Dans la définition du dictionnaire : « Est délicat ce qui est fin et précis dans l’exécution, le toucher » Ne dis t’on pas en effet d’un ouvrage qu’il est réalisé avec soin et finesse lorsqu’il est délicat ?

La délicatesse comme art de vivre

La délicatesse peut être perçue comme une façon subtile et raffinée de voir le monde qui nous entoure, une forme d’esthétisme que le sujet cultive qui se rapproche du système des Beaux-arts. L’idée d’une « stylisation de soi » chez Nietzsche invite à voir le monde comme une œuvre d‘art. Ainsi, la délicatesse devient une forme de raffinement intérieure que le sujet cultive en s’opposant aux jugements trop hâtifs et à une pensée binaire. Dans la tradition esthétique, David Hume a particulièrement développé la notion de "délicatesse du goût" (delicacy of taste) dans son essai "De la norme du goût" (1757). Pour Hume, cette délicatesse représente la capacité de percevoir les nuances les plus fines dans les œuvres d'art et de porter des jugements esthétiques raffinés. Il l'illustre par la célèbre anecdote du Quichotte, où des dégustateurs détectent une clé en fer et une lanière de cuir dans un tonneau de vin, montrant ainsi leur sensibilité exceptionnelle.

La délicatesse dans le Taoïsme

Dans les relations humaines, pour qui veut suivre la voie du Tao, la délicatesse se manifeste aussi par l’humilité loin de l’arrogance et de l’affirmation de soi :

"Celui qui se met en avant ne brille pas. Celui qui se vante ne s’attire aucun mérite. Celui qui se glorifie ne dure pas longtemps » ( Tao Tö King, chap 24 ) L’eau fluide et souple finit toujours par triompher du roc."

La delicatesse chez confucius

La délicatesse chez confucius reside dans la manière dont on interagit avec autrui en évitant brutalité et offense :

"Un homme honorable se garde d’être rude dans ses paroles et ses actes. Il est respectueux sans être servile, il est humble sans être craintif" ( Entretiens VIII, 2 )

Délicatesse et autrui

La délicatesse s’oppose donc à la brutalité en cela qu’elle porte un regard bienveillant sur le monde. Elle ne cherche pas à heurter ni à brusquer mais à comprendre avec respect autrui. Dans l’éthique taoïste elle est aussi un art de la relation : Plutôt que de chercher à convaincre par la force, Lao-tseu valorise l’écoute, le silence et la subtilité dans les interactions humaines :

"Une parole habile n’égale pas le silence" ( Tao Tö King, chap 5 )

Chez Confucius, La délicatesse est une esthétique du raffinement ; qui passe par des gestes, des attitudes, la maîtrise du langage pour instaurer une harmonie entre les individus.

La délicatesse comme acte de résistance

La délicatesse pourrait s’affirmer comme une forme d’acte de résistance discrète car elle est une forme d’affirmation de soi dans une société ou tout va plus vite et ou la simplification domine. Elle invite à ralentir et à porter attention aux détails en refusant la violence des évidences trop tranchées. Chez Lao-Tseu c’est une puissance discrète là où la force échoue. Elle invite à adopter une posture de souplesse et d’humilité. Elle offre une alternative précieuse à notre monde régit par la précipitation et la rigidité :

"agir sans forcer, influencer sans dominer ,exister sans s’imposer"